En quittant Karasjok j'emprunte une route qui monte plein nord à travers un plateau couvert de taillis de bouleaux. A Lakselv le paysage change. La route longe le fjord Porsangen (ci-dessus et ci-dessous) jusqu'au cap. C'est une route splendide. Les échancrures de la côte offrent de multiples gîtes aux pécheurs qui construisent des maisonnettes colorées en bord de mer. Des vallées de rocailles plongent dans la mer. La végétation est devenue rase, herbes et lichens. Des lacs incroyablement découpés couleur argent dont les limites se mélangent avec la mer.
C'est au nord de l’île de Mageroya que se trouve le cap. On accède à cette grande île par un tunnel long de 7km qui passe à 200M sous le niveau de la mer ! Les frais de construction ayant été amortis ce tunnel est gratuit. (c'est pas comme en France...). La route que j'emprunte n'a été ouverte qu'en 1956. |
Il fait gris toute cette journée et je suis impatient d'arriver. Enfin voilà la pancarte qui signale l'entrée du site et le parking obligatoire qui me coûte 260 nok. Il y a là toutes les marques de camping-car et toutes les nationalités, mais le parking est immense... Il n'y a que quelques centaines de mètres à faire à pied pour arriver au bout du monde.
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Ce fut un prêtre Suédois qui dessina la carte de ces contrées en 1529 : Olaus Magnus. Il dessina de façon curieuse de nombreux monstres qui attaquaient les navires. Les forces de la nature étaient dangereuses !
Le premier visiteur du cap fut un religieux explorateur Italien : Francesco Negri. Il débarqua au cap en 1664. Il voulait savoir comment une population pouvait survivre dans cet environnement. Il écrivit un livre sobrement intitulé « voyage septentrional ». Il y déclare : « Ici je suis au cap Nord, point le plus avancé de notre civilisation, et je peux dire que ma soif de connaissance a été satisfaite. Maintenant je peux rentrer tranquille et heureux. » J'aurais pu en dire autant, mais je soupçonne ce brave homme qui avait du débarquer dans une anse de s’être trompé. Et d'avoir entraîné des générations dans son erreur. En effet c'est le cap à l'ouest du cap nord qui est le plus septentrional. Il s'appelle le Knivskjellodden (71°11'08'') et on n'y accède -difficilement- qu'à pied.
Le second visiteur de marque dont le site a gardé la trace fut le roi du Sian Chulalonggkorn en 1907. Il fit graver son nom sur une roche. Un tagger ? Lui aussi débarqua dans l'anse de Hornika.
Enfin le Duc Louis Philippe d'Orléans, a visité la Norvège en 1795. Il avait 22 ans. Il fut conduit au cap Nord par les frères Buck. 43 ans plus tard il devenait roi des Français et envoyait des présents à ceux qui l'avaient reçus, dont un buste en marbre. L'original a été détruit lors de la guerre dans le Finnmark et c'est une copie qui est exposée aujourd'hui.
Et depuis l'invasion touristique n'a pas cessée. Le site est magnifiquement organisé pour cela. Entre le cap et le parking un bâtiment harmonieux accueille une vaste galerie souterraine qui abrite marchands de souvenirs, restaurants, salle de projection, exposés didactiques et même une minuscule chapelle.
Sur un balcon qui domine l’abîme, une masse de glace de 3M de haut achève de fondre. Je déplie ma tente sur le parking à coté d'un équipage français. Des voyageurs aussi. Nous ne manquerons pas de nous livrer à une savante analyse comparative de nos matériels respectifs. Un peu avant minuit des bus dégorgent des dizaines de touristes. Il fait clair mais complètement brumeux. Aucune chance de voir le fameux soleil de minuit. Je ne descends pas de mon perchoir. Plus tard quelques bourrasques de pluie crépiteront sur la toile. Je songe à l’arrière grand père au Spitzberg qui bivouaquait dans des conditions moins confortables lors d’une campagne “Princesse Alice” !
Puis je roule vers l'ouest et le village de Gjevaer. C'est un village de pécheurs perdu au bout du monde connu depuis l'époque des Vikings (1225). De là on peut aller visiter l'une des plus importantes colonies d'oiseaux de mer de Norvège. J'y accède par une route solitaire qui serpente dans un univers minéral puis débouche sur un vaste panorama, où terre, ciel, île et navires sont en harmonie. Je peux observer les séchoirs à morue (ou cabillaud) dans lesquels filets et têtes sèchent séparément. Une fois les filets secs, durs comme du bois ils se conservent longtemps. On fait le stockfish...
Recette maternelle :
Dessaler à l'eau claire pendant un jour ou deux le filet dans une bassine dont on changera l'eau souvent,
couper les filets en tranches,
jeter dans une cocotte en fonte avec des pommes de terre, des tomates coupées en dés, des olives noires, oignons, ail et fines herbes,
rajouter un peu de vin blanc,
Laisser mijoter une matinée. Bon laissons là ces souvenirs culinaires...
Je roule vers Honningsvag (ci-dessus) village flanqué d'un vaste plan d'eau où se croisent paquebots et bateaux de pêche. Très touristique. Je prends du gasoil à 1€50 le litre. Affreux ! Trois fois plus cher qu'en Russie. La végétation s'enhardit à grandir un peu dans les replis de terrain.
Je me dirige plein ouest vers l'ile de Kvaloya que l'on atteint après avoir franchi un magnifique pont suspendu. La ville de Hammerfest est blottie au fond d'une anse. Ses eaux restent libres de glaces en hiver grâce au gulf-stream. La ville fut totalement détruite par les allemands au cours de dernière guerre. | |