lundi 13 juin 2016

L'isthme de Carélie

 

En remontant vers le nord après Saint Petersbourg je longe sur ma droite le lac Ladoga. Je franchis une frontière invisible maintenant qui est celle de la ligne de fortifications défensives Mannerheim (du nom de son concepteur général Finlandais) qui court du golfe de Finlande au Lac Ladoga.

Entrée en Carélie
entrée en République de Carélie

En effet la Finlande fait depuis longtemps partie du royaume de Suède lorsque en 1809 elle est conquise par l'empire russe. Après la révolution d'octobre qui amène les bolchevik au pouvoir elle proclame son indépendance en décembre 1917 dans un contexte de crise. À la crise en Russie correspond un effondrement similaire de la société finlandaise à partir de la fin de l'année 1916. L'activité industrielle en Finlande s'écroule avec l'arrêt des commandes de guerre. Dans un contexte de difficultés économique et de ravitaillement alimentaire, le chômage explose. Avec l'effondrement de l'Empire russe, le pouvoir exécutif est vacant. Les sociaux-démocrates à gauche et les conservateurs à droite se livrent bataille pour la direction du sénat.

A partir de mars 1917 il n'existait plus en Finlande aucune force de police ou militaire acceptée pour maintenir l'ordre, la gauche comme la droite commencèrent à mettre sur pied leurs propres forces de sécurité, menant à l'émergence de deux corps militaires distincts et indépendants, les gardes Rouge et Blanche. Une atmosphère de violence politique et de peur crût rapidement parmi les Finlandais. Des combats éclatèrent au cours de janvier 1918 en raison d'actions menées tant par les Rouges que les Blancs dans une escalade tant militaire que politique. Environ 37.000 personnes sont mortes pendant ce conflit, y compris les pertes sur les fronts, les décès causés par les campagnes de terreur politique et la forte mortalité dans les camps.

Les Blancs gagnèrent la guerre aux dépens des Rouges, ce qui mit fin à l'hégémonie russe sur la Finlande et fit passer le pays dans la sphère d'influence allemande qui aurait souhaité l'établissement d'une monarchie vassale de l'empire allemand. Mais au lendemain de la défaite allemande, la Finlande devint finalement une république indépendante et démocratique, mettant ainsi un terme au royaume de Finlande.

Les relations entre la Finlande et la Russie soviétique restaient tendues. Pour le gouvernement bolchevik, la Finlande fait partie des « états impérialistes » et la présence de la frontière, à seulement 32 kilomètres de Leningrad, représente à la fois un danger en cas d'attaque et une porte ouverte à tous les « éléments socialement hostiles » voulant fuir le régime soviétique.

En avril 1938, l'Union soviétique initie des négociations diplomatiques avec la Finlande pour tenter d'améliorer la défense mutuelle des deux pays contre l'Allemagne. Les Soviétiques revendiquent principalement la crainte d'une attaque allemande contre Leningrad, utilisant la Finlande comme tête de pont.

Le 23 août 1939, le Troisième Reich et l'Union soviétique signent un pacte de non-agression, connu sous le terme de pacte germano-soviétique. Ce pacte comprend une clause secrète, qui vise à partager en « zones d'influences » les pays situés entre les deux puissances. En particulier, la Finlande se retrouve dans la zone attribuée à l'Union soviétique, tandis que la Pologne est coupée en deux. C'est ce qui se passera en septembre 1939.

La guerre d'hiver

Le 9 octobre 1939, l'URSS relance les négociations déjà initiées avec la Finlande en avril 1938. Elle demande la location pour trente ans du port de Hanko, qui commande l'entrée du golfe de Finlande. Ceci permettrait aux Soviétiques de contrôler le golfe, rendant impossible son blocus par l'Allemagne nazie, et soumettant par la même occasion le trafic maritime d'Helsinki au bon vouloir de Staline. Le recul de la frontière sur l'isthme de Carélie (laissant cependant à la Finlande la plus grande partie de la ligne Mannerheim) est également demandé, afin de mettre Leningrad hors de portée de l'artillerie lourde ennemie. Enfin, l'URSS demande une rectification de la frontière à l'extrême nord, englobant la région de Petsamoet comprenant le port de Linakhamari, unique accès finlandais sur l'océan arctique .

Face au refus finlandais, l'artillerie soviétique bombarde les environs du village russe de Mainila, proche de la frontière, tuant quatre soldats de l'Armée rouge, et accusant l'artillerie finlandaise d'en être l'auteur, les Soviétiques exigent des excuses auprès de la Finlande. Cette dernière ne cédant pas, l'URSS résilie deux jours plus tard le pacte de non-agression de 1932 entre les deux pays, puis franchit la frontière le 30 novembre 1939, entamant sans préparatifs militaires réellement sérieux ce qui devient la guerre d'Hiver.

forets et étangs de Carélie
forêts et étangs de Carélie


Les Soviétiques attaquèrent avec 23 divisions, réparties en quatre armées, totalisant 450.000 hommes. Ils atteignirent rapidement la principale ligne de défense finlandaise, la ligne Mannerheim, en franchissant l'isthme de Carélie, pendant qu'une escadrille bombardait Helsinki.

Au début du conflit, la Finlande a une armée dont les effectifs mobilisables atteignent péniblement 180.000 hommes. Elle est mal armée a peu de chars et encore moins d'avions. Mais elle dispose d'atouts. La topographie est favorable à la défense. Le pays est accidenté. Il est parsemé de lacs, de marais et de forêts qui réduisent d'autant les secteurs d'attaque possible.Le soldat finlandais se trouve chez lui. Il connaît le terrain, se déplace habituellement en ski et (au contraire des Soviétiques), connaît l'art du camouflage. De plus, le maréchal Carl Gustaf Emil Mannerheim convainc les autorités de procéder à une mobilisation préventive. Cela donnera aux unités le temps de se roder. La ligne Mannerheim est complétée d'ouvrages légers édifiés par l'infanterie.


Le 30 novembre les soviétiques lancent une offensive tous azimuts qui a pour but de rayer la Finlande de la carte. Mais ils se heurtent à une résistance féroce. La forêt, le froid et les longues nuits d'hiver servent la cause des soldats finlandais, pour la plupart issus du monde rural.

forets et lacs de Carélie
forêts et lacs de Carélie

L'arrogance et l'incompétence des Soviétiques ont aussi eu leur importance. À cause des purges staliniennes, le commandement soviétique avait perdu 80 % de son effectif en temps de paix. Les remplaçants étaient généralement moins compétents mais plus « loyaux » envers le régime et leurs supérieurs, surtout depuis que Staline avait fait chapeauter les hauts-commandants par des commissaires politiques. L'armée soviétique était également mal préparée pour une guerre dans des conditions de froid intense, ainsi que dans les zones forestières.

L'une des plus grandes défaites dans l'histoire de l'Armée rouge eut lieu lors des combats de la route de Raate. La 44e division d'infanterie soviétique (soit environ 25.000 hommes) fut presque intégralement détruite après s'être engagée sur un chemin forestier où elle tomba droit dans une embuscade tendue par l'unité finlandaise « Osasto Kontula » (300 hommes) !

La Seconde Guerre n'avait pas encore sa dimension « mondiale » : depuis l'invasion de la Pologne par l'Allemagne et l'URSS, seule la Finlande tenait encore tête au pacte Hitler-Staline signé à l'été 1939, les États-Unis étant neutres, la Grande-Bretagne et la France inactives (période dite de la « drôle de guerre») ; à cette période, la guerre d'Hiver était le seul véritable champ de bataille, et attirait de fait le regard mondial. L'agression soviétique était majoritairement jugée comme injustifiée, comme l'avait été, un mois plus tôt, la destruction de la Pologne, et la Finlande était clairement perçue comme un pays allié.

En février 1940 les Français et les Anglais offrirent leur aide à la Finlande avec le projet de débarquer à Narvik. Mais leur intention cachée était d'occuper la partie nord de la Norvège et de la Suède pour couper l'approvisionnement de Allemagne en minerais métalliques qui étaient extraits de ces régions. En conséquence, la Norvège et la Suède refusèrent le droit de passage.

Néanmoins avec le dégel du printemps qui approchait, les forces de l'Armée rouge risquaient de se trouver embourbées dans les forêts finlandaises. Par ailleurs les Finlandais commençaient à manquer de munitions. Les Soviétiques se sentaient contraints de rechercher un moyen de sortir de la guerre avant que les Alliés n'interviennent et déclarent la guerre à l'Union soviétique.

Selon le traité de paix établi à Moscou le 12 mars 1940, la Finlande devait céder à l'URSS la partie finnoise de la Carélie, dont la ville de Viipuri, deuxième du pays. Les exigences du traité représentaient environ 10 % des zones industrialisées de Finlande, dont certains territoires toujours tenus par l'armée finlandaise. Quelque 422.000 Caréliens, soit 12 % de la population finlandaise avant guerre, se trouvèrent donc du jour au lendemain sans logement. Selon les termes du traité, les civils et les militaires qui stationnaient dans les zones cédées devaient partir au plus vite, ils fuirent en colonnes le territoire finlandais amputé. Seul un faible nombre de villageois restèrent sur leurs terres désormais sous la houlette des Soviétiques.

La Finlande devait également donner une partie de la région de Salla, la pénisule de Kalastajansaarento sur la mer de Barentz et quatre îles du golfe de Finlande. La péninsule d'Hanko était quant à elle louée à l'Union soviétique pour 30 ans, afin d'y établir une base navale. Enfin, bien qu'ils l'aient capturée au cours de la guerre, les Soviétiques durent restituer la région de Petsamo à la Finlande.

Finalement, les termes du traité furent très désavantageux pour la Finlande. L'URSS put obtenir la totalité de ses revendications d'avant-guerre, avec en plus la ville de Viipuri (Vyborg). Lors de ce conflit, on put donc remarquer que la sympathie de la SDN, des Alliés et de la Suède ne servirent pas à grand-chose. Et un an plus tard, les combats reprirent lors de la guerre de continuation.

Le désir de récupérer ses territoires couplé à la défaite alliée en France conduisit la Finlande à se rapprocher de l'Allemagne et à jouer un rôle lors de l'opération Barbarossa.

La guerre de continuation.

JLR_GuerreDeContinuation_CarteTraitMoscou1940Apres le traité du 12 mars 1940 s'ouvre une période où des faits très graves s’enchaînent rapidement.

Le 9 avril, l’Allemagne intervient au Danemark et en Norvège. France et Angleterre débarquent dans ce dernier pays « pour couper la route du fer » suédois.

Le 14 juin L’URSS occupe les Pays Baltes, la Lituanie, le 17 l’Estonie et la Lettonie. Le Pacte germano-soviétique fonctionne toujours. La nouvelle association Finlande URSS félicite les nouveaux gouvernements soviétiques baltes !

Une période incertaine s'ouvre. De façon très discrète, l’Allemagne va se rapprocher de la Finlande. Il ne faut pas oublier que la Finlande a entretenu depuis plusieurs siècles des relations commerciales via la Baltique, et la ligue hanséatique. Les relations culturelles ont été importantes, en particulier au XIX ème siècle, nombre d’étudiants préférant faire leurs études supérieures en Allemagne plutôt qu’en Russie. Les Allemands laissent croire qu'ils n'attaqueront pas l'URSS.

A la mi-septembre des navires allemands débarquent du matériel et des troupes. Immédiatement, la Grande Bretagne déclare qu’il y a rupture de la neutralité finlandaise et l’Union soviétique en fait de même.

Des rumeurs de guerre entre l’Allemagne et l’URSS courent en Europe. Le 20 mai, un envoyé spécial d’Hitler auprès du président Finlandais explique les différents avec l’URSS et propose une collaboration militaire et ajoute « il ne faut pas exclure une attaque de l’URSS contre la Finlande ». Une mission militaire finlandaise part à Berlin où le ministre Schnurre leur confirme que l’Allemagne n’a pas l’intention d’attaquer l’Union soviétique.

La Finlande souhaite que lors des prochaines négociations germano-soviétiques l’indépendance de la Finlande soit garantie par les deux parties et que l’URSS reprenne ses livraisons de produits alimentaires et de matières premières suspendues depuis janvier.

L’opération Barbarossa commence le 22 juin à 2 h du matin sans que, semble-t-il, les finlandais en aient été officiellement informés.

Le 25 juin, la Finlande entre en guerre avec une armée supérieure à celle de la Guerre d’Hiver tant en effectifs qu’en matériel. De plus elle ne se sent plus seule « l’invincible armée allemande » étant à ses côtés. Mais il faut remarquer que les finlandais ne se considèrent pas comme des alliés des allemands (à la différence de ces derniers) mais comme des cobelligérants. Les soldats sont des frères d’armes. Mais ils se battent pour des raisons différentes, les allemands pour écraser le bolchevisme, les finlandais pour reconquérir les territoires perdus en 1940. L’ambiguïté de la situation entre les deux pays perdure.

La guerre contre les Allemands ne se déroula pas exactement pour les Soviétiques comme prévu lors des jeux de guerre organisés avant le début du conflit, et bientôt le Haut commandement soviétique dut prélever des unités là où il en trouvait.

En décembre 1941, l'avancée finlandaise avait atteint la rivière Svir (qui connecte les extrémités sud du lac Ladoga et du lac Onega, et définit la frontière sud de la Carélie orientale). Fin 1941, le front se stabilisa, et les Finlandais ne menèrent plus d'offensive majeure pendant les deux ans et demi qui suivirent.

Le 9 juin 1944, l'Union soviétique lança une grande offensive contre les positions finlandaises dans l'isthme de Carélie et dans le secteur du lac Ladoga. Au deuxième jour de l'offensive, les Soviétiques firent céder les lignes finlandaises, et dans les semaines qui suivirent le rythme de leur avancée sembla en mesure de menacer rapidement l'intégrité de la Finlande en tant qu'état indépendant.

Territoires_finlandais_cédés_en_1944Le 4 septembre, un cessez-le-feu mit un terme aux opérations militaires du côté finlandais. L'Union soviétique cessa les hostilités exactement 24 heures après les Finlandais. Le 19 septembre un armistice était signé à Moscou. Outre les pertes de territoire La Finlande devait expulser les troupes allemandes ce qui déclencha la guerre de Laponie.

La guerre de Continuation a coûté 65.000 morts aux finlandais, la perte définitive de la Carélie, soit  10 % de son territoire, 400.000 réfugiés. Mais elle est restée indépendante.

Si elle avait choisi la neutralité en 1941, elle aurait été aurait été occupée par l’Union soviétique et son territoire un champ de bataille des deux armées antagonistes. La prudence du maréchal Mannerheim en refusant d’attaquer Leningrad et de couper la voie ferrée stratégique de Mourmansk est un élément décisif qui sauve la Finlande lui attirant l’appréciation des USA et la considération de Staline.

Sources : wikipedia :https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Continuation

http://www.france-finlande.fr/index.php/publications/histoire-de-la-finlande/29-la-finlande-dans-la-guerre-de-continuation-1941-1944-sauver-l-independance-nationale-au-milieu-des-totalitarismes

Carélie monument commémoratif2
Carélie, monument commémoratif

Carélie monument commératif1
Carélie, monument commémoratif

Sortaval momnument commémoratif
Sortaval, monument commémoratif


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